Comment te dire...

Comment te dire...?

Au temps où tu apprends à parler, comment te dire la vérité, avec ces mots que tu maitrises à peine ?

Où comment te la cacher, à toi qui comprends tout ?

Comment te dire ce que je ressens, quand tu carresses mes bras en me disant "doux !!" avant de t'y blottir ?

Comment te raconter notre bonheur, quand tu nous fais rire, à table,  ou quand, avant de te coucher, assis sur le tapis, tu nous dis "Papa, Maman, assis là, allez !" parce qu'il est l'heure de l'histoire ?

Comment te dire que, quand bien même je suis si fière de ton sourire ravageur, je n'aime pas quand tu le distribues, généreux, volontaire, à tous ces inconnus dans la rue ?

Parce qu'en vérité, moi aussi, j'ai peur des monstres, c'est juste que ce ne sont pas les mêmes : les miens sont des humains aux pensées noires, des véhicules incontrôlés, des maladies insurmontables, les pages du calendrier.

Moi aussi, je serai triste de quitter Nounou, mais c'est la vie, il parait que des gens formidables, il y en a partout, et nous ferons tout pour que tu retrouves quelqu'un tout autant digne de confiance, dans les bras de laquelle tu seras au moins aussi heureux.

Parce qu'en vérité, à chaque décimale de ta fièvre, c'est mon coeur qui se serre de plus en plus fort.

Parce qu'en vérité, toutes tes victoires sont mes rayons de soleil.

Et moi, j'ai chaque éclat de tes rires bien figé dans ma tête - la douce musique cristalline, lorsque j'y repense, m'enveloppe d'un bonbon de bonheur.

Si j'avais eu mon appareil, je t'aurais pris l'autre jour en train de souffler tes bulles dans la lumière du printemps.

Les bulles.

Elles sont belles, elles s'envolent, légères, multicolores, futiles.

Et toi, tu les éclates entre tes doigts, "pfffit".

Au delà des mots que tu maitrîses à peine,  au delà des monstres et des incertitudes,

Pour ce printemps tout en lumière, et pour tous les autres à venir,

ce que je vais taire, mon fils, que je ne veux pas te dire,

c'est que l'Enfance, elle aussi, s'envole, légère, multicolore, futile ; 

Le rire n'est pas le seul à voler en éclat.

   

(photo Google)