Céréales

Un registre que je découvre mais c’était très, très amusant. Je me suis régalée. J’ai hâte d’avoir votre avis…

Il me fallait placer les mots suivants :  Icosikaitrikosioiphobie (et puis quoi, encore ?) Manège, Superficiel, Noix de pécan, Tourterelle, Roturier, Frais émoulu, Cadeaux, Disneyland, Outrance, Désappointer, Concaténer, Jéroboam, Exaspéré.

C’est noix de pécan qui m’a donné l’idée et j’ai vraiment galéré à placer concaténer et frais émoulu.

Bonne lecture…

Il avait de bons côtés, bien sûr. Déjà, il était très beau. C’est important, pour une fille comme quoi, d’être avec un mec que les autres m’envient. Ça pose. Non pas que je sois superficielle, hein. Mais voilà : un très bel homme, moi, ça me parait être juste la base. J’exige d’un homme qu’il soit beau, et j’exige aussi qu’il me couvre de cadeaux. Qu’il mette Disneyland dans ma vie tous les jours. Et là je roucoule comme une tourterelle. Je ne suis pas difficile. L’intelligence, je m’en tape. Au contraire, ça m’arrange quand ils sont un peu bêtes. Faut juste qu’il soit beau, généreux et fidèle. Et puis, mon ex avait une qualité très, très importante - une qualité clé : il était allergique aux noix de pécan.

Pourquoi c’est important ? Parce que quand un imbécile ne planque pas suffisamment son téléphone et que je tombe sur des messages sans équivoque qu’il échange avec d’autres, ça me confirme que je ne suis pas la seule à jouir de ses attributs physiques. Et dans ce cas, une allergie, c’est extrêmement utile. Au début, évidemment, j’étais exaspérée. Encore un qui me trompe ? Des sextos à outrance, sa bite en évidence ? Il me prend pour qui, cet abruti ? Une reine tout frais émoulue d’un four à pizza ?

Même mon dernier sac à main en cuir de veau (magnifique, au demeurant) serait d’accord avec moi.

Il pensait qu’il allait passer sous mon radar ? Quel crétin. Je suis bien plus forte que lui. De toutes façons, j’avais déjà tout prévu.

On n’habitait pas vraiment ensemble. Il logeait au 23 de la rue et je souffre d’icosikaitrikosioiphobie, la peur du numéro 23. Non, ce n’est pas vrai, mais c’est ce que je dis à chaque fois en adaptant au numéro pour garder ma liberté.

Donc, je venais occasionnellement me faire sauter, mais je prenais soin d’être toujours méconnaissable. Un foulard chic, des lunettes extra larges, des talons compensés, des fringues flottantes – quand je me rends chez mes mecs je peux être n’importe qui. Je dormais, dès fois, et on prenait le petit dej ensemble. Il prenait tout le temps la même chose : céréales en miettes dégeu et cacao - mais genre pas un mini bol : un jéroboam de lait ! Un vrai gosse.

C’est comme ça que j’ai eu l’idée.

Ce n’est pas très difficile. Par contre, faut avoir un fer à lisser. Donc j’ai pris l’habitude de me lisser les cheveux quelques matins. Comme ça, il était sous ma main. J’ai attendu quelques semaines après avoir intercepté les messages et compris son manège. Il en faut plus pour me désappointer complètement mais, quand même, j'avoue, ça m’avait bien saoulée.

Une fois où il n’était plus là, j’ai pris un de ses paquets non entamé de céréales. Faut toujours bien faire attention, quand on l’ouvre. Bien prudemment, faut opérer. Un coup de couteau : clac. J’ai ouvert le sachet plastique, sans trop tirer. Les grosses pépites que les fabriquants doivent concaténer en agglomérats infâmes n’attendaient plus qu’à être mâchées. Horribles.

Alors, j’ai émietté des noix de pécan dans les céréales. C’est toujours écrit sur le paquet : peut contenir des traces de… Mais celles-là il ne s'en méfiait plus. Ben voilà. Sauf que ce ne sera pas juste « des traces », cette fois.

J’ai refermé le plastique incognito avec le fer à lisser. Un micro coup de colle sur le carton et j’ai replacé le paquet derrière celui juste entamé. Et hop, l’affaire est dans le sac. C’est le cas de le dire…

Après, je l’ai ostensiblement trompé et j’ai attendu qu’il me quitte. Je suis partie en pleurnichant et en ramenant mon fer à lisser (évidemment).

Vu sa conso de céréales, j’en ai simplement pour quelques jours à attendre. Je n’ai jamais rencontré ni ses potes ni sa famille mais en général il y a toujours un média qui en parle, au ou pire, j’ai aussi les avis dans le journal ; ça prend un tout petit plus de temps. C’est con, hein, une allergie. Ça tue comme ça, bim…

Le prochain, je le choisirai beau ET riche. Un rentier, pas un roturier. Ça, c’est une bonne cible. Et je le veillerai à ce qu’il soit également allergique. Par exemple, aux fruits de mer. C'est bien ça, les fruits de mer. On ne sait jamais.