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From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

Le chat et l’enfant.

 

*une histoire vraie.

 

Cannelle avait presque deux ans. Deux fois plus que moi sur le papier, mais bien plus, si l’on compte en année-chat. Croisée siamois et chat de gouttière, ce grand chaton arborait son pelage gris perle avec une tranquille sérénité et veillait sur son monde aux travers de ses iris  ciel de printemps, sa longue queue balançant au rythme de ses humeurs. J’étais un bébé joufflu aux cheveux brun hirsute, curieuse, potelée et maladroite. Elle m’observait de loin, créature baveuse et agitée venue troubler son univers de coton et de tranquillité. Nous étions l’ébauche de ce qu’allait devenir ma famille. Mes parents se demandaient ce qu’allait être la cohabitation entre l’enfant et le chat, mais rapidement, elle m’avait ignorée : ils s’occupaient de moi jusqu’à 20h, et enfin c’était son tour, il suffisait de dormir pour patienter.

 

Puis vînt le départ au ski : nous atterrîmes donc, boule de poils et sac de langes, chez mes grands parents. La maison étant grande, bien plus que l’appartement appelou*, tout le monde savait que la cohabitation entre Cannelle et moi se déroulerait sans heurts ni tracas. Mes grands-parents n’aimaient pas les chats, et craignaient plus, certainement à juste titre, les relations avec leur chien qu’avec le bébé. Quel intérêt trouver à un animal qu’ils jugeaient indépendant, incapable de preuves d’amour pour ses maîtres, au regard impénétrable et laissant des poils blancs partout dans la maison ? Enfin, ils y étaient contraints, alors, allons-y. Croquette, petits pots, brosse à vêtement et couche culotte.

 

Pour Cannelle, cette maison au grand jardin ouvert était un lieu de prédilection. Enfin, elle pouvait chasser, dormir au soleil de janvier sur la terrasse, profiter de l’espace, visiter les parcs environnants. Enfin, tester ses griffes pour grimper aux arbres, gratter la terre humide, boire la rosée directement dans les calices. Elle ne sentait pas le froid, c’était les vacances.

 

Mais les maisons à jardin ouvert sont situées au bord des routes. Et sur les routes, il y a des voitures. Il suffit d’une seule.

 

C’était le milieu de l’après midi. L’heure de la sieste. Le biberon lavé séchait dans l’égouttoir.  Je dormais, au calme, au creux de mon berceau dans la chambre du premier étage. Mes grands-parents vaquaient à leurs occupations dans la maison. Cannelle était dehors.

 

Personne n’a vu le choc, le conducteur n’a pas pris la peine de s’arrêter. On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé. A priori, Cannelle a été heurtée à l’arrière train. Elle s’est retrouvée sur la route goudronnée,  à une cinquantaine de mètres de l’entrée de la maison. Que pouvait-elle donc faire, rien. Elle s’est traînée, alors, sur ces 50 mètres. Laissant des traces de sang sur son difficile parcours.

A monté, on ne sait pas avec quelle énergie, les quelques marches du perron. Personne ne l'a vue faire : les traces seules ont témoigné de son itinéraire.

Alors qu’elle ne l’avait jamais fait, car elle n’en avait pas le droit, elle a monté les marches de l’escalier qui menait à l’étage.

Parce que c’était la fin, il lui fallait se rapprocher du seul être qui établissait un contact avec ses maîtres : moi. Dans un dernier élan, elle a sauté dans mon berceau, pour y mourir. Elle s’est allongée à mes pieds.

 

Je n’ai pas de souvenirs. J’étais là, pourtant, mais je ne me rappelle pas de ma grand-mère découvrant la chatte dans le landeau. Elle avait suivi les traces. Je ne sais plus les minutes d’angoisses, les coups de fils en catastrophe au vétérinaire. Le départ précipité de la maison. Rien ne me reste. Juste un profond respect pour les chats.

 

Quant à Cannelle, quand elle est morte, elle allait avoir 20 ans. Moi, j’en avais 19. Elle était plus que centenaire, donc, si l’on compte en année-chat. Ah, bien sûr, il avait fallu l’amputer de sa belle queue, et elle ne s’était plus jamais risquée sur aucune route...

 

 

  P1050969.JPG

 

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* appelou, adjectif signifiant "de Firminy", dans la Loire

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