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From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

La sirène de Granitâa

 

Je vais vous raconter l’histoire d’une sirène venue des terres glacées de Granitâa. Dans ce pays de gel et de blanc, le soleil reste froid et la neige de diamant. La sirène y vivait alors avec les siens, êtres mi-poisson, mi-humain ; autour d’elle, seuls des flocons de givre troublaient son quotidien.

Les sirènes sont invisibles aux hommes. Elles aiment tout ce qui brille, habituées aux paillettes de neige de Granitâa, alors, dans la journée, elles amassent les écailles des poissons trépassés puis les sèment en surface et les vagues scintillent. Ce sont également elles qui décident des courants, grâce aux mouvements amples de leurs nageoires caudales, car elles les synchronisent pendant leurs migrations estivales. Depuis qu’une d’entre elles, des années en arrière, à chercher à rejoindre le monde des humains, entrainant dans sa suite la chute d’une puissante sorcière, plus rien ne bouscule leur glacial univers. Les sirènes savent aussi, depuis des millénaires, que pleurer les menace de se fondre en poussières. Donc elles se tiennent sages, loin de tous les tourments, elles vivent aux diapasons du fond des océans.

Un jour, comme toutes les sirènes de son âge, elle décida de quitter Granitâa pour d’autres territoires, d’agrandir l’horizon en vivant d’autres histoires. A grands coups de nageoires et de brasses élégantes, elle fila vers le sud, en suivant les tangentes, d’un méridien à l’autre, défilant les fuseaux. Partir était la norme, la route était énorme, mais l’enjeu tellement grand, car toutes les sirènes ont des rêves de géant. Mais pour les accomplir, les sirènes doivent d’abord récolter une perle. Ce n’est pas difficile, il y a trois étapes : Trouver une huitre hôte, et un grain de poussière, puis patienter jusqu’à ce que la magie opère. Pour la plupart d’entres elles, un simple grain de sable, pour les plus ambitieuses, un grain venu d’ailleurs, loin du système solaire : un grain de météore. Bien plus durs à trouver, mais plus riches en promesses : un grain de météore pour un plus grand trésor. Tel était le projet de cette sirène-là : un morceau de comète, un bout de l’au-delà. Quand elle l’aurait trouvé, elle choisirait une huitre, le glisserai dedans, puis porterait au cou son collier de fortune, préparant le bijou à ouvrir sous la lune.

Un centaure vivait lui dans la baie de Thoven. Homme-chevaux, les centaures veillent sur les vents : ils les déclenchent en galopant. Petites brises dans les champs, vent d’orages dans les nuages. Les centaures aiment ce qui bougent, ce qui dansent, ce qui jouent ; les centaures font des blagues, des crop circles parfois, des tourbillons souvent. Au crépuscule, quand le jour devient sang, ils ruent et le couchant se marbre de zébrures. A l’aurore à l’inverse, ils s’inclinent vers sol, et les rayons s’envolent pour dissiper les ombres. Les centaures eux non plus ne se montrent jamais. Quelques-uns ont aidé un sorcier à lunettes, d’autres ont tourné un clip sur un thème pastoral, mais ils savent dans l’ensemble se montrer très discrets – les humains n’entendent rien aux animaux secrets.

Bien sûr vous devinez déjà qu’elle sera la suite. Un jour qu’elle s’occupait à chercher sur une rive une grenaille noire, fruit de la galaxie, la berge était Thoven, et il vivait ici : il s’amusait non loin, c’est alors qu’il la vit.

 

La sirène de Granitâa

On ne sait pas vraiment combien elle était belle, allongée sur la plage, ni comment le décrire, lui, cet être chimérique - mais soudain il trembla jusqu’au bout des sabots ; il perdit son allure, et il chercha ses mots. Jamais il n’avait vu pareille créature – et il comprit déjà que ce serait atroce : elle était différente, semblable juste à moitié, mais il était trop tard, les dés semblaient jetés : il s’en était épris, il fallait y aller.

Il prit appui sur une écorce, cherchant à s’approcher. Elle le laissa venir. Il la laissa parler. Elle expliqua sa quête, il promit de l’aider. Je chercherai pour toi là où tu ne peux pas, sur les terres et les dunes, les montagnes ou les routes. Je reviendrai demain déposer sur la plage ce que j’aurai trouvé pendant mon ratissage. (Il ignorait comment trouver un météore, or n’importe quel prétexte servait à son idée : la revoir, la revoir et la revoir encore, dans un frisson joyeux sans cesse renouveler).

Ils se revirent, bien sûr. Elle délaissa sa quête, il délaissa les vents. Ils bâtirent même l’espoir d’un avenir commun – après tout, autrefois, d’un cheval, d’un poisson, les hippocampes partout garantissaient l’union.  Comme ils étaient naïfs, eux qui se voyaient libres ! Hélas, d’autres s’assuraient pour eux qu’ils suivent leurs destins, bien loin des heures perdues à palabrer sans fin. Bientôt, chez les Centaures, ces moments firent jaser, bientôt, chez les sirènes, ces instants dénoncés. Le Centaure fut contraint de quitter cette baie, de Thoven fut banni, la Sirène jamais n’a plus rien su de lui.

Pour ne pas fondre en larmes, elle cacha son chagrin. Elle continua sa vie comme si ce n’était rien. Mais elle jeta son huitre, abandonnant ses liens, et même, faisant cela, renonçant pour toujours à rejoindre Granitâa. Son invisibilité, alors, devint caduque : là était le secret, elle l’avait dévoilé ; elle se rendait visible et devait se cacher. On l’aperçu, un soir, tout près de Copenhague; près de l'Ile Rousse, aussi. Vous la verrez, peut-être, nager entre deux vagues, posée sur un récif.

Elle s’expose, quelques fois, au coucher du soleil, lorsqu’une bise douce vient caresser le ciel. Si elle ne peut le voir, elle croit en sa présence : les Centaures aiment les soirs où les nuages dansent. Si un jour il revient, elle finira sa quête, car elle sait maintenant son plus profond désir : simplement le revoir, ŕepondre à son espoir. Souvent, la nuit venue, elle scrute la Voie Lactée ; les météores la hantent : elle formule le même vœu à chaque étoile filante.

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