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From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

Une photographie

Je voudrais partager une photographie.

Mais elle serait tellement insuffisante en regard de tout ce je voudrais transmettre.

Laissez-moi vous décrire le contexte.

 

Juin. Le matin. Dehors. La nappe jaune (celle d’hier) est restée sur la table ; elle ne sent plus la lessive. Le parasol, ouvert (inutile car le sud n’est pas encore à l’honneur) se balance doucement.

 

Les grenouilles, une tondeuse au loin, l’autoroute, quelques merles, une mésange et un pinson.

 

Le chêne et le sophora (l’arbre des rues de New York, dont je n’ai appris le nom que récemment, ma voisine est passée, on a parlé travaux de jardin, elle a souri, doucement, derrière ses mèches blanches, et sa voix chevrotante de vielle institutrice a plaidé doucement « oh, votre Sophora est tellement beau, vu de chez nous, ne l’élaguer pas trop », alors j’ai compris, c’était son petit nom, on ne trouve pas sur internet les arbres en les décrivant comme moi je le vois, je l’aurai décrit comme ça : pousse à côté des cerisiers, à branches fines, qui s’élancent très haut, un port de jeune adulte maladroit, des feuilles en dents de peigne pleines d’humour et d’histoires à raconter) ; le  chêne et le sophora, disais-je, murmurent régulièrement au gré d’une bise légère.

Cette même brise qui chahute mon parasol et caresse mes jambes nues.
 

Des insectes volètent partout, des morceaux de soleil s’accrochent à leurs ailes et trahissent leur présence comme autant d’atomes d’or dansant dans l’air déjà tiédi.

 

Ça sent le café bien sûr, puis l’herbe coupée, le jasmin ; le chèvrefeuille se déploiera ce soir.
Dans la texture soyeuse de ce matin estival, les chats tournent, s’allongent, roulent, se relèvent. Viennent se frotter contre mes jambes, montent, bousculent l’ordinateur où mes doigts courent, coup de tête dans ma tasse ; je peste, coup de tête sous mon menton – j’éternue. Ils se marrent.
Je n’entends pas les enfants.
Les deux petits peignent leurs futures jumelles en rouleaux de cartons. Le grand termine une bande dessinée, torse nu sur le canapé. Il a grandi ces derniers temps. On sent l’énergie qui s’accumule dans un corps que l’adolescence s’apprête à transformer. Son regard, sa voix, ses pensées parfois lui échappent, reviennent ensuite, agrandis.

 

J’hésite à reprendre mon livre, (celui que je lis), lâché hier fauchée par la fatigue bienveillante du corps après les sollicitations excessives du sport – souplesse, abdominaux, pompes, fentes, gainage, et déjà les bleus qui reviennent. J’hésite à reprendre mon livre (celui que j’écris). J’hésite à prendre mon appareil et à capturer ce moment à l’intérieur.

Parce que je voudrais bien partager cet instant suspendu.

Mais comment tout transmettre dans une simple photographie ?

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