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From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

Cocktail

Cela avait commencé au moment de partir, en montant dans la voiture, pour une sombre histoire de poubelles. Et bien sûr, tout était de ma faute. Sous le prétexte que je commence plus tard que lui, puis que je vais au boulot en vélo, ce serait à moi de les descendre. Déjà, je ne vois pas de rapport, et en plus c'est toujours lui qui passe devant le local, tous les matins, en récupérant la voiture au garage. De toutes façons, les éboueurs passent le lundi, et tant pis pour les odeurs de poissons quand on rentrera, je m’en tapisse l’entrejambe. Bref, une fois de plus, on se pourrissait.

 

Ce qui était bigrement vrai, c’est quand il a décrêté que je ne voulais pas aller à ce mariage. D’abord, son collègue, je ne le connais pas, ensuite, j’ai comme mission de faire le paon devant leur patron, super, et en plus, à tous les coups, je ne pourrais rien manger du cocktail à cause de mes allergies. Deux heures de route aller-retour pour un verre de champagne, merci bien. L'autre vérité, aussi, au fond, c’est que depuis qu’il m’a annoncé qu’on ne se marierait jamais de la vie, faire la fête pour d’autres me court sur le haricot.

 

Alors, on ne s’est quasiment pas adressé la parole de tout le trajet. Je n’avais pas pris le faire-part, le GPS ne connaissait pas le lieu-dit... Je n’ai pas réussi à m’empêcher de sourire quand il s’est mis à pleuvoir – je vais t’en donner, du contexte de merde.

 

Voilà quatre ans qu’on vit ensemble. On partage un appartement vieillot, en plein centre ville, et je flippe quand il rentre tard du boulot, des bandes de tarés rodent souvent aux alentours. Mais à l’entendre, nous habitons un palace idéalement situé : il se rend aux matches en transport en commun, le rêve ! Ah, ça oui, il est bel homme. Il porte très bien le costume. Aujourd’hui, il me fallait reconnaître qu’il était très élégant – coupe italienne, coton noir sur chemise en lin grise, cravate noire – j’espérais lui convenir avec mon tailleur perle – la moindre des apparences à sauver étant que nous restions assortis.

 

A peine crédible, au premier timide rayon de soleil au travers des vitraux pendant la cérémonie, il est sorti fumer sur les marches avec des collègues. Voici mon bien-aimé qui se barre, oui. Au fait, elle s’appelle comment la mariée déjà ? Je me suis occupée en détaillant l’assemblée. Belles tenues, belles coiffures, pas de jeans, sourires polis et même quelques larmes. Pas de très beaux gosses, mais quelques très jolies femmes. C’est étrange, il doit y avoir des phéromones liées à l’âge puisque même de dos, il est possible de cibler une dizaine. J’en ai remarqué une, comme ça, une gamine, allez, vingt-cinq ans peut-être. En même temps, difficile de la louper : elle brillait de partout. Les yeux, le décolleté, les épaules, les cheveux… Ces nouveaux gels pailletés, dont ils font la publicité aux arrêts de bus : elle étincelait. Si elle n’avait pas été jolie, on aurait pu se moquer, la traiter de boule à facettes, de miroir brisé, de chiures de mouches phosphorescentes. Mais comme elle était belle, ben, tu restes coi et tu ressasses que ce n'est quand même vraiment pas juste – d’abord, tu choisis pas ta gueule, en plus, tu vieillis, et toi, comme dirait l’autre, les paillettes, ça te transforme en lampadaire.

 

Puis je suis tombée sur ma copine Caro ! Des mois qu’on ne s’était pas vues ! Elle devait connaître la mariée. Je lui ai fait un discret signe quand on s’est levé pour le Notre Père, et j’ai su que le cocktail glisserait tout seul : on avait des milliards de choses à se raconter. C’est bien comme ça que cela s’est terminé, d’ailleurs, le vin d’honneur était quasi sur place, nous y sommes allés à pied, les talons hauts dans les flaques, ravies de nous retrouver. Quand Caro m’a posé la question, j’ai indiqué mon mec du menton, puis je ne m’en suis plus occupée une seconde : il était entouré de toute sa boîte, son patron dans les parages, je ne voulais ni attirer l’attention ni même me rappeler à son bon souvenir. Battre froid, je sais bien faire. On a donc passé le cocktail à papoter – et à boire, en fait, j’évite les amuse-bouches difficilement identifiables mais l’alcool, ça, y’a pas de problèmes. Oui, je sais, c’est pas bien, faut conduire, bien sûr, ce serait moi au retour, mais merde, faut bien se détendre, hein.

 

Alors, vers dix-neuf heures, comme on sentait que le convoi allait rejoindre les lieux du repas, j’ai cherché mister grognon du regard. Je l’ai aperçu en grande conversation avec ses collègues, grosso modo au même endroit que deux heures plus tôt, dans un groupe moins dense – n’allaient rester que les intimes, il était temps de lever le camp. J’étais un peu pompette, comme on dit, et j’avais pas très envie qu’il me passe un savon devant tout le monde, Sam aurait dû bien se tenir. Je lui ai juste fait un signe, j’allais l’attendre à la voiture.

 

J’ai salué et félicité à nouveau les fraichement mariés, j’ai laissé Caro se préparer à suivre le troupeau, on se rappellera, je suis revenue sur nos pas. Jusqu’à l’église, d'abord, puis jusqu’à la voiture, en contrebas du village ; j’ai pris place au volant – j’avais le double des clés.

 

J’ai réglé mon siège, mes rétros, puis j’ai tiqué. Déjà, c’était crétin d’avoir entrouvert sa fenêtre, le siège était humide et c’était désagréable. Mais surtout, ce qui a attiré mon regard, c’est la banquette arrière. En fonction de l’angle que je donnais au rétroviseur central, on remarquait, généreusement, une miriade de petits points particulièrement brillants – étincelants, même : la banquette était luisante de petites paillettes.

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