L'heure du choix (Dans l'enveloppe violette)

Maintenant, il était vraiment temps de prendre une décision. Ce n’est pas le miroir qui allait dire le contraire ; son reflet la trahirait bien assez vite. Tous les délais raisonnables avaient expiré, elle n’avait plus de recours possible. C’est incroyable à quel point le choix qu’elle s’apprêtait à faire avait du pouvoir : trois vies s’en trouveraient irrémédiablement changer en quelques secondes. Elle était si jeune encore, et si seule devant son dilemme. On ne récolte que ce que l’on sème, et lorsque c’est le vent… elle aurait dû y réfléchir avant. Enfin.

.

Elle regardait son nombril. Tout commencerait par là.

Le véritable fond du problème, c’est qu’elle n’avait su déceler aucune impression à laquelle se raccrocher, aucune intuition comme fil conducteur. Le père de cet embryon de 13 semaines pouvait être l’un comme l’autre de ses deux amants.

Il fallait en choisir un des deux, le père le plus fiable, le plus impliqué, quitter et oublier l’autre, et taire son secret le plus longtemps possible. Pile ou face : soit elle tapait juste, soit elle créait de toute pièce un géniteur. Choisir, ou renoncer. Et sans retour en arrière possible, et ce sans éveiller de soupçon.

.

Ça va, ce n’était pas non plus un grand Black et un Asiatique, ses deux hommes avaient un physique commun, caucasien, ils paraissaient grossièrement similaires ; c'était oublier leur différence d'âges ; la décennie 20 - 30 transformant autant le mental que le sens des responsabilités.
Seulement, voilà : son ami d’enfance, avec qui elle couchait régulièrement depuis toujours, -son amant de cœur- était-il prêt à être un père ? Tout les liait l'un à l'autre : leur historique, leurs amis, et même son chien, puisqu'il venait d'une portée de sa chienne. Et l'autre, le plus stable, celui qui avait un boulot, une belle gueule et du bagou, avec qui elle était depuis moins longtemps mais qui s'installait doucement chez elle; lui, il pouvait assurer pour trois... sauf qu'ils n’avaient jamais parlé enfants jusqu'à ce jour. Comment réagirait-il, lui ? Est ce que c'est avec lui qu'elle voulait avoir à partager ça toute une vie ? Ah, bien sûr, elle aurait pu ne pas le garder, ce bébé, mais ça, c’était une autre discussion qu’elle avait déjà eu avec elle-même. Pas d’aparté sur ce sujet : ce que le destin voulait, même impromptu, elle l'acceptait, -en fait elle savait qu’elle s’en sortirait, qu'ils s'en sortiraient, même tous seuls. Mais que dire à l’enfant ? Quelle promesse lui ouvrir ? Un ex-ado encore paumé, son éternel complice, qu'elle connaissait tellement, ou un Homme, un vrai, un père repère ??? C’était tellement lourd de conséquences, sans compter ce secret sur l’ambiguité des origines, déjà bien assez pesant sur ses petites épaules de femme à double vie. Et merde.

.

En revenant du centre de radiologie, elle avait découpé et glissé l’un des petits clichés de l’échographie dans l’une de ses jolies enveloppes. Que le moment lui soit agréablement mémorable, au moins dans ses préparatifs !
Il lui fallait choisir entre son officiel et son amant, pour son futur à elle et celui de l’enfant. Mais sur l'enveloppe, avec le stylo à l’encre assortie, lequel des deux prénoms écrire ???