Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

Amertume

Bien sûr que la vie reste belle. Les mois s’enchainent, ils glissent l’un dans l’autre, mailles de sable, longs rangs de jours. Aussi, je souris beaucoup. C’est important, d’envoyer cette image : elle réconforte, elle réchauffe.

J’aimerais juste que ce sourire éloigne l’amertume, comme le marc de café les mauvaises odeurs – mais non.

L’amertume. Et cette impression sourde qu’elle ne s’efface jamais.

Elle me nargue, en biais, nichée dans mon ombre. Elle me suit partout, elle diminue l’amplitude des couleurs, filtre la lumière, nuance toutes les températures, tamise toutes les musiques, dévie toutes les saveurs.

Vivre, juste vivre, sans chagrin ni douleur, c’était bon, n’est-ce pas ? me souffle-t-elle.

Comment démentir ?

 

Je la combats à grand coup de bonheur. Je l’écarte en souriant, je lui montre mes dents. Tout ce qu’elle fait dans ces cas-là, c’est attendre. Elle revient se loger au creux de mon corps dès que les commissures de mes lèvres redescendent. Parfois, elle s’enroule dans mon cou, l’air devient denrée rare, elle m’étouffe. Souvent, elle inonde mes iris. Les paupières closes par ces débordements maussades, je n’ai lors d’autres possibilités que laisser vriller les tensions qui me secouent en salves saccadées.

 

Va-t-il falloir que je l’accepte comme compagne imposée ? Va-t-elle finalement faire partie intégrante de mon être ?

Je tourne et retourne le prisme de ma mémoire, je fais glisser les facettes les unes contre les autres, je cherche à retrouver la combinaison solaire - mais l’ensemble reste muet : son arc en ciel m’échappe encore. Je sais pourtant que je l’en ai vu sortir.

Ce qui a dévié la lumière ?

De la faiblesse, de la noblesse, un mélange des deux ?

De la lâcheté, de l’incrédulité, un mélange des quatre ?

 

Une tempête a fait rage. J’ai écouté le vent tout détruire, blottie contre mon oreiller. Puis depuis mes carreaux découvrais l’ampleur de la dévastation. Arbres arrachés, dégâts impressionnants, les lits défaits de rivières en colère attestent encore de ces crues bouleversantes.

L’amertume est née de mon immobilisme. Ou de ma colère contre la dépression tumultueuse. Ou de cette incapacité à anticiper, prévoir, protéger. De ces décors détruits dont je n’ai de traces qu’à l’encre invisible de mes souvenirs. De ces projets, bâtis de briques d’espoir, grêlés sur l’enclume des jours. Une dense poussière s’est infiltrée partout, elle a tout noirci, effaçant toutes traces.

L’amertume porte le sceptre de la négligence. Drapée dans son indécence, elle est le spectre qui erre entre les ruines de ce qui fût un très beau château-fort. Des douves vaseuses aux créneaux brisés, le balancier immuable des fleuves émotionnels revient régulièrement l’engloutir. L’amertume erre. La marée monte. Lorsque les flots se retirent, ils le laissent à vif, sali par les boues.

Je le sais, c’est un processus naturel, tout sera reconstruit, différemment. Pierres après pierres. Briques après briques. Est-ce que ce sera mieux, ailleurs ? Ce sera. On verra. Pour l’instant, l’amertume hante et la marée noie.

Après le long naufrage de la forteresse engloutie, mon palais se déforme au parfum d’amertume. Mais je lutte et j’attends. Au fond de moi, je crois savoir comment la vaincre. Je pense qu’elle cèderait devant le pardon. Sauf que je préfère vivre avec elle, son goût de cendre et de terres brûlées, et chérir les boues qu’elle charrie : jadis, celles-ci furent d’or.

Je laisse au temps le soin de panser ses outrages, contemplant l’horizon bousculé par l’orage, et les poussières amères dévorant la lumière. Contre le noir profond, je laisse filer le sable dont sont finalement formés les châteaux faibles. Contre le silence fade, je crie, quelque fois, je crée, j’écris mon brouhaha ; la nuit, lorsque les fenêtres de mes yeux se ferment, je danse pour éprouver l’écho et chante en tirant les rideaux.

 

Contre le froid mordant, je me tricote des manteaux aux aiguilles des horloges. Les mois s’enchainent, ils glissent l’un dans l’autre, mailles de sable, longs rangs de jours. J’attends que retombe la poussière. Un franc soleil reviendra-t-il ? Je l’espère intensément. Qu’il brille ailleurs m’indiffère, tant que certains rayons m’éclairent. Pour que les vents des marées s’arrêtent, je suis prête à rendre l’amer. Dans l’attente, je souris beaucoup : cela me réchauffe et me réconforte. C’est important de soigner les images.

Pour que la vie reste belle…

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article