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From ME to who wants

Courtes nouvelles, états d'âmes, poésies, vie de maman, et quelques clins d'oeil. Tout est dans le texte :-)

Working girl in pause déj

Quelle liste sympathique ! J’ai mis du temps à m’y mettre, j’avoue, mais ce soir j’ai écrit vite, car j’ai A DO RE cette sélection qui comprenait : Bière, Conche, Somnambule, Baby Haler, Remontée mécanique, Balançoire, Carotte, Sucette, Proposition commerciale, Saperlipopette, Haricots verts, Varicelle, Boudoir, Burger, Bugnes, Opercule, Espion, Stratège, Quintessence, Suave, Procrastination, Incandescent et Ephémère.

 

Je me suis assise un moment au square, dans le coin des balançoires. Celui avec la jolie vue sur la conche. De là, j’aime beaucoup suivre la course éphémère des moutons d’écumes se brisant sur le sable. Depuis le bureau, j'ai une bonne dizaine de minutes de marche, mais pour manger c’est un endroit fort agréable. Bon, le seul point négatif, c’est les balançoires : généralement ça attire les gosses et j’ai horreur de ça. Leurs bruits, leur énergie, leur vitalité – je garde une révulsion viscérale envers tout ce qui se rattache à l’enfance, sauf qu’une fascination morbide me porte toujours vers ces espaces. Je serais bien incapable d’expliquer pourquoi. Je déteste ça. D’ailleurs, je déteste les enfants, les mères, les poussettes et les gens en général - de toute façon je n’aime pas grand-chose. Aujourd’hui, même le ciel semble laid, drapé dans une espèce d’ombre grise qui ne le quitte plus, brouillant systématiquement toute trace de bleu. Depuis plusieurs jours déjà il était sensé « faire beau », mais le voile diffus de pollution brouille le signal et en ajoute au plomb ambiant. Il faut que tu respires, conseillait Mickey 3D il y a longtemps déjà. Quand rien n'est facile, respire, insiste Gaël Faye de nos jours.

 

En attendant, moi, il faut quand même que je trouve cette putain idée. A ce stade, je ne suis même plus dos au mur, là, je suis incrustée dedans. L’inconvénient de l’étreinte culpabilisante de la procrastination, c’est que, comme une envie de pisser, ça ne passe qu’une fois la besogne véritablement achevée. A vrai dire, j’avais bien joué : grâce à ma réputation -qui m’avait précédée- j’avais déjà acquis la promesse d’une proposition commerciale alléchante. Ensuite, j’avais simplement eu à négocier un délai avant de présenter mon projet, expliquant que je devais le mûrir. Maintenant, il ne me manquait qu’un seul détail : un… projet. Une idée, bon sang. J’étais payée pour ça : avoir des idées. Penser hors de la boite. Inventer des besoins inexistants et les rendre indispensables. Grande stratège en manipulation mentale de troupeaux d’humains abrutis. Une idée, rien qu’une idée… Misère de misère.

Une silhouette féminine, dont la démarche hasardeuse évoquait vaguement un zombie somnambule, s’approchait de ma zone en trainant à bout de bras un être répugnant (un de l'âge où ce sont carrément les envies de pisser qui ne sont pas gérées). J’en déduisis que ce devait être la mère, plutôt qu’une nounou, compte tenu de son état d’abattement. Note pour plus tard : ja-mais, ja-mais je n’aurai d’enfant.

 

Ils s’échouent près de mon banc ; je retiens un soupir imbriquant pitié et exaspération. Encore une probablement pétrie d’intenables bonnes intentions, sans doute. Du coin de l’œil, je la regarde installer son marmot (« pour qu’il déjeune dehors »), se battre avec l’opercule du petit pot (« bio, bien sûr »), enfourner par étape un dégueulasse mélange de couleur indéfinissable dans le petit gosier (« haricots verts / carottes, les légumes c’est important »),  puis ramasser à nouveau le mélange, mais cette fois vomi sur son manteau. Je pourrais parier que, là, elle lutte pour ne pas pleurer aussi fort que son môme.

La quintessence même de ce que je hais dans la maternité.

Moi, je sors de mon sac mon burger, mes frites, ma bière, puis je m’assois sur une quelconque compassion. Il me fallait toujours une idée. J’étais rentrée dans la Loire quelques week-end auparavant et je rêvais de bugnes pour mon dessert. Les moelleuses, bien sûr, briochées, les seules, les vraies, grasses et suaves ; pas les plates cassantes dont on dirait qu’elles ont été laminées entre des câbles de remontées mécaniques. Ici, bien sûr, il y avait l’océan, mais là-bas, il y avait les bugnes et leur parfum délicieux. Partir n’a jamais fait guérir : les pensées ne se quittent pas.

Je divague pendant que le môme arrive également à l’étape du dessert. Mangue-abricot, explique le couvercle. Un boudoir trempé dedans, il râle, je remarque son visage dévoré par une agressive varicelle. Sa mère tente la sucette, échoue, soupire, puis s’empare d’un étrange système, une sorte de masque à gaz qu’elle lui appose sur la face avec des mimiques de posture de combat. Mon esprit d’espion aiguisé, je tords mon regard et déchiffre « Baby Haler », sur la boite. Aucune idée de ce que c’est que ce truc.

Quelle horreur. Et puis, franchement, faire des gosses, vu l’état du monde ?

On ne peut même plus inspirer sans que ça gratte la gorge. Tss.

Tout est pourri. Les pensées. Les gosses. Les masques. On ne peut plus respirer sur cette planète. Ni sentir le parfum des bugnes à la plage.

 

Brutalement, un frisson incandescent me parcourt tout entière. 

Saperlipopette ! Je la tenais mon idée.

Le marché de demain.

J’allais devenir millionnaire.

 

Il me faut un prototype en impression 3D, quelques influenceurs pour marqueter le système. Et c’est le jackpot.

J’allais inventer: la première machine personnelle portative purificatrice d’air. La « M3PA ».

Avec un plan de développement sur plusieurs années.

La version zéro sera sorte de masque extrêmement léger et discret. Disponible taille adulte et enfant, bien sûr.

La version 2, plus chère, sera design, élégante.

La version 3 se déclinera en différentes couleurs, façon branches de lunettes.

La version 4 sera même personnalisable par une fragrance discrète.

Odeur de bugnes, par exemple. Ou d'océan. Ou de mangue-abricot.

 

Je rayonne dans le gris de la fin d’hiver. Respire, et si tout empire, espère, fredonne Gaël.

 

 

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